Décret portant création d'une fonction de médiateur pour la Communauté germanophone
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article 1 - Principe
Le présent décret crée la fonction de médiateur pour la Communauté germanophone.
Article 2 - Définitions
Pour l'application du présent décret on entend par :
1. autorités administratives : les autorités administratives de la Communauté germanophone au sens de l'article 14, § 1er, alinéa 1er, 1°, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour autant qu'elles ne disposent pas déjà de leur propre médiateur ou service de médiation;
autorités administratives locales : les autorités administratives des communes de la Communauté germanophone au sens de l'article 14, § 1er, alinéa 1er, 1°, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat pour autant qu'elles ne disposent pas déjà de leur propre médiateur ou service de médiation;
organismes chargés d'une mission d'intérêt public par la Communauté germanophone : personnes physiques ou morales de droit privé ou public, sans être des autorités administratives au sens du 1°, qui assurent, en vertu d'un décret ou d'une mission confiée expressément par le Gouvernement, des tâches d'intérêt public et qui, pour ce faire, sont cofinancées par la Communauté germanophone;
législation relative à l'emploi des langues : les dispositions légales qui règlent l'emploi officiel des langues, notamment en matière législative, administrative et judiciaire, ainsi que dans la fonction publique et les forces armées;
Parlement : le Parlement de la Communauté germanophone;
Bureau : le Bureau du Parlement.
Pour l'application du présent décret, ni le Parlement de la Communauté germanophone ni ses organes et services ne sont considérés comme des autorités administratives.
Article 2.1 - Devoir d'information
Dans leurs décisions et communications, les autorités administratives et autorités administratives locales mentionnent la possibilité de saisir le médiateur de la Communauté germanophone.
Dans le cadre du traitement d'une réclamation, il incombe au médiateur de statuer sur l'observation ou non du délai mentionné à l'article 15, § 2, 4°, en cas de non-respect de l'obligation mentionnée à l'alinéa 1er.
CHAPITRE II. - TACHES, OBJECTIF ET METHODE DE TRAVAIL
Article 3 - Tâches du médiateur
§ 1er - Le médiateur :
examine les réclamations quant au fonctionnement et aux actes administratifs des autorités administratives, des autorités administratives locales et des organismes chargés d'une mission d'intérêt public par la Communauté germanophone dans leurs rapports avec les citoyens et joue le rôle de conciliateur dans les conflits existants;
transmet sans attendre aux instances compétentes les réclamations qui ne sont pas de son ressort;
examine à la demande du Bureau le fonctionnement et les actes administratifs des autorités administratives, des autorités administratives locales et des organismes chargés d'une mission d'intérêt public par la Communauté germanophone que ce dernier désigne;
formule, sur la base des constats effectués lors de l'exercice de ses tâches mentionnées aux points 1° et 3°, des recommandations qui peuvent viser le règlement du dossier soumis, le comportement à adopter dans le futur et le droit applicable;
informe, sur la base des constats effectués lors de l'exercice de ses tâches mentionnées aux points 1° et 3°, le Parlement sur le fonctionnement et les actes administratifs des autorités administratives, des autorités administratives locales et des organismes chargés d'une mission d'intérêt public par la Communauté germanophone;
développe et stimule la collaboration avec d'autres services actifs dans ce domaine.
§ 2. Le médiateur assure en outre le suivi des réclamations introduites contre les autorités et les organismes soumis à la législation relative à l'emploi des langues :
en expliquant les droits et les possibilités de recours en cas de violation de la législation relative à l'emploi des langues;
en recueillant les réclamations, en les transmettant aux instances compétentes et en suivant leur évolution;
en coopérant avec les instances de contrôle et de recours compétentes.
Le médiateur fait un rapport au Parlement sur la base des observations relevées à l'alinéa 1er.
§ 3. Parmi les missions qui incombent au médiateur figurent en outre le contrôle des signalements effectués par les membres du personnel des autorités mentionnées à l'article 2, alinéa 1er, 1° et 2°, qui, dans l'exercice de leurs fonctions, ont connaissance d'abus, d'irrégularités, d'actes illicites ou d'infractions commis au sein de l'autorité administrative ou de l'autorité administrative locale où ils travaillent et considèrent :
que dans un délai de trente jours suivant le signalement à leur supérieur hiérarchique, aucune suite n'a été donnée ou que celle-ci est insuffisante;
qu'ils sont soumis, en raison de ce signalement, à une procédure disciplinaire ou à une autre peine, publique ou non.
§ 4 - Le médiateur n'est pas compétent pour traiter des réclamations relatives à des dispositions légales.
Article 4 - Objectif
Dans l'exercice de ses fonctions, le médiateur a pour objectif de concilier les points de vue des citoyens et des autorités administratives et de trouver une solution alternative pour résoudre les conflits, pour régler les différends et, dans certains cas, pour éviter des procédures judiciaires.
Article 5 - Méthode de travail
Au plus tard six mois après l'installation du premier médiateur, le Parlement approuve, sur sa proposition, un règlement d'ordre intérieur qui détermine les modalités de fonctionnement interne de son service.
Le règlement d'ordre intérieur visé à l'alinéa premier ainsi que ses modifications votées par le Parlement sont publiés au Moniteur belge.
CHAPITRE III. - DESIGNATION, STATUT ET ORGANISATION
Article 6 - Désignation du médiateur
Le médiateur est désigné après un appel public aux candidats et une procédure de sélection comparative fixée par le Bureau. Il est désigné par le Parlement pour une période de six ans, renouvelable une fois.
Le Parlement prend la décision de désigner le candidat proposé par le Bureau avec une majorité de deux tiers des suffrages émis.
Article 7 - Conditions d'exercice du mandat
Pour pouvoir être désigné, le médiateur doit :
être Belge;
être d'une conduite irréprochable et jouir des droits civils et politiques;
satisfaire aux lois sur la milice;
avoir une excellente maîtrise de la langue allemande, une bonne maîtrise de la langue française et une maîtrise satisfaisante de la langue néerlandaise;
disposer de connaissances solides quant à la Communauté germanophone et la structure de l'Etat belge;
être porteur d'un certificat d'études donnant accès aux fonctions du niveau I ou II+ au sein de l'administration du Parlement;
justifier d'une expérience professionnelle utile d'au moins cinq ans dans le domaine juridique, administratif ou social ou dans un autre domaine utile à la fonction.
Article 8 - Prestation de serment
Avant son entrée en fonction, le médiateur prête, entre les mains du Président du Parlement, le serment suivant : « Je jure fidélité au Roi, obéissance à la Constitution et aux lois du peuple belge. »
Article 9 - Incompatibilités
§ 1er - Pendant la durée de son mandat, le médiateur ne peut être titulaire des fonctions ou mandats suivants :
la fonction de juge, notaire ou d'huissier de justice;
la profession d'avocat;
la fonction de ministre d'un culte reconnu ou de délégué d'une organisation reconnue par la loi qui offre une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle;
un mandat public conféré par élection;
une fonction rémunérée dans la fonction publique de la Communauté germanophone ou un mandat public conféré par la Communauté germanophone;
une fonction rémunérée dans la fonction publique des autorités administratives locales ou une fonction publique conférée par une autorité administrative locale;
une fonction au sein d'un organisme chargé d'une mission d'intérêt public par la Communauté germanophone.
Le médiateur ne peut être candidat à une fonction publique pendant une durée de trois ans après la fin de son mandat de médiateur.
§ 2 - Le médiateur ne peut exercer aucune fonction publique ou autre qui puisse compromettre la dignité de sa fonction ou le bon exercice de sa mission ou qui puisse porter atteinte à son indépendance et à son impartialité.
§ 3 - Sont assimilés à un mandat public conféré par élection pour l'application du présent article :
la fonction de bourgmestre nommé en dehors du conseil communal;
le mandat d'administrateur auprès d'un organisme d'intérêt public;
la fonction de commissaire du Gouvernement;
la fonction de gouverneur, y compris celle de gouverneur adjoint ou de vice-gouverneur.
Le titulaire d'un mandat public conféré par élection qui accepte sa désignation en qualité de médiateur est démis de plein droit de son mandat électif public.
Article 10 - Indépendance
Dans l'exercice de ses fonctions, le médiateur agit en toute indépendance et neutralité. Il ne peut pas être relevé de son mandat à raison d'actes posés dans le cadre de l'exercice de sa fonction ni d'opinions qu'il émet dans le cadre de ses activités.
Article 11 - Résidence administrative et secrétariat
Le médiateur a sa résidence administrative au Parlement.
Le cadre matériel et le cadre du personnel nécessaires à l'exercice de sa fonction sont arrêtés par le Bureau sur proposition du médiateur.
Article 12 - Secret de fonction, secret professionnel et secret d'affaires
Le médiateur et son secrétariat sont soumis au secret de fonction dans la même mesure que les collaborateurs des autorités administratives qui lui fournissent des informations. Ils sont tenus de respecter le secret professionnel et le secret d'affaires sur tout fait confidentiel par nature ou en vertu de dispositions légales ou d'instructions.
Article 13 - Fin des activités
§ 1er - Conformément à l'article 6, le mandat du médiateur prend fin après six ans, dans la mesure où il n'a pas été prolongé.
§ 2 - Le Parlement met prématurément fin au mandat du médiateur :
à sa demande;
lorsque son état de santé compromet gravement l'exercice de ses fonctions;
lorsqu'il ne remplit plus les conditions d'exercice du mandat mentionnées à l'article 7;
lorsqu'il exerce l'une des fonctions ou l'un des mandats cités à l'article 9.
Le Parlement peut révoquer le médiateur :
de commun accord avec lui;
pour motif grave.
§ 3 - Lorsque le médiateur en fonction met fin à ses activités avant la fin de son mandat, le Parlement publie dans les plus brefs délais un nouvel appel aux candidats dans le but de désigner, le plus rapidement possible, un médiateur qui poursuivra le mandat.
Le mandat du médiateur désigné dans le cadre du présent paragraphe peut être suivi d'un nouveau mandat.
A sa demande, un membre du personnel qui signale un des actes illicites décrits à l'article 3, § 3, peut être placé sous la protection du médiateur. Les autorités administratives et autorités administratives locales correspondantes dressent avec le service de médiation un procès-verbal allant dans ce sens. En plus de la durée de ladite mise sous protection, ce procès-verbal prévoit des mesures de protection minimale, comme la suspension des procédures disciplinaires, des règles concernant la répartition de la charge de la preuve et la possibilité d'une mutation sur base volontaire.
CHAPITRE IV. - GESTION DES RECLAMATIONS
Article 14 - Ouverture de la procédure
Le médiateur agit sur requête ou à sa propre initiative.
Article 15 - Recevabilité d'une réclamation
Le médiateur accepte de traiter une réclamation :
lorsqu'elle relève de ses compétences;
lorsqu'elle est introduite par écrit ou en personne;
lorsqu'elle est introduite en allemand ou en français;
lorsque l'identité du réclamant est connue.
Le médiateur peut refuser de traiter une réclamation :
lorsqu'elle est manifestement non fondée;
lorsque le réclamant n'a ni exercé des recours existants ni accompli de démarche auprès de l'autorité administrative locale concernée ou de l'organisme chargé d'une mission d'intérêt public par la Communauté germanophone concerné pour obtenir satisfaction;
lorsqu'elle est essentiellement identique à une réclamation que le médiateur a déjà refusé de traiter, dans la mesure où de nouveaux faits n'aient pas été versés au dossier;
si elle vise des faits qui remontent à plus d'un an avant l'introduction de la réclamation, sauf si celle-ci fait l'objet d'une procédure administrative ou judiciaire;
lorsqu'elle vise des questions relatives au personnel du service administratif dans lequel le réclamant travaille, sauf dans le cas d'une réclamation formulée dans le cadre de l'article 3, § 3.
Article 16 - Réclamants autorisés
Quels que soient sa nationalité, son lieu de résidence et son siège, toute personne physique ou morale et toute association de fait pouvant prouver un intérêt direct peut introduire une réclamation auprès du médiateur.
Dans le cas d'une personne morale ou d'une association de fait, la réclamation est introduite par une personne physique dûment mandatée.
Article 17 - Information des parties concernées
§ 1er - Le médiateur informe sans tarder le réclamant de sa décision de traiter ou non la réclamation ou de la transmettre à un autre médiateur ou service compétent.
Le refus de traiter une réclamation doit être motivé.
Le médiateur informe l'autorité administrative concernée, l'autorité administrative locale concernée ou l'organisme chargé d'une mission d'intérêt public par la Communauté germanophone concerné qu'une réclamation a été introduite à son encontre et qu'il compte l'instruire.
§ 2 - Le médiateur informe régulièrement le réclamant des mesures prises à la suite de sa réclamation.
Article 18 - Vérification
Le médiateur vérifie le comportement incriminé quant à sa légalité, son caractère raisonnable et opportun, sa correction et son équité.
Il s'efforce de concilier les points de vue du réclamant et du service concerné.
Article 19 - Collaboration obligatoire
Le médiateur peut imposer aux collaborateurs des autorités et organismes visés à l'article 2, alinéa 1er, 1° à 3° qu'il interroge dans le cadre de sa mission un délai contraignant raisonnable pour fournir des réponses orales ou écrites à ses questions.
Sans préjudice de l'article 15 de la Constitution et des lois, décrets et arrêtes y afférents, le médiateur peut, dans le cadre de sa mission, également procéder à toute constatation sur place et se faire remettre tous les documents et tous les renseignements qu'il estime nécessaires et entendre toutes les personnes concernées.
Les personnes liées par le secret de fonction, le secret professionnel ou le secret d'affaires, sont relevées de leur obligation de garder le secret dans le cadre de l'enquête menée par les médiateurs. L'obligation de secret est cependant maintenue pour les informations protégées par le secret médical ou pour des informations dont les personnes concernées ont pris connaissance en leur qualité de personne de confiance indispensable.
Le médiateur peut se faire assister par des experts des autorités et organismes visés à l'article 2, alinéa 1er, 1° à 3°.
Article 20 - Approche d'éléments administratifs ou judiciaires
§ 1er - Si, dans l'exercice de ses fonctions, le médiateur constate des faits constitutifs d'infractions disciplinaires ou laissant supposer de telles infractions, il en avertit les autorités et organismes visés à l'article 2, alinéa 1er, 1° à 3°.
Si, dans l'exercice de ses fonctions, le médiateur constate des faits constituant un délit, il en informe le procureur du Roi, conformément à l'article 29 du Code d'instruction criminelle.
§ 2 - Sans préjudice de l'obligation prévue à l'article 19, § 1er, alinéa 1er, l'examen est suspendu lorsque le grief fait l'objet d'un recours administratif ou judiciaire.
Les autorités et organismes mentionnés à l'article 2, alinéa 1er, 1° à 3°, et le réclamant informent sans attendre le médiateur lorsqu'un recours est introduit.
Le médiateur informe immédiatement le réclamant ainsi que l'autorité ou l'organisme concerné lorsque l'examen est suspendu.
§ 3 - L'introduction d'une réclamation auprès du médiateur et son traitement par celui-ci ne suspendent en rien d'éventuels recours administratifs ou judiciaires.
Article 21 - Résultats de l'examen
§ 1er - Si une conciliation entre le réclamant et l'autorité administrative concernée, l'autorité administrative locale concernée ou l'organisme chargé d'une mission dans l'intérêt de la Communauté germanophone concerné s'avère impossible, le médiateur peut adresser au service concerné toute recommandation qui lui semble utile.
Il en informe dans ce cas le ministre compétent ou l'instance de tutelle compétente.
§ 2 - L'autorité administrative concernée, l'autorité administrative locale concernée ou l'organisme chargé d'une mission dans l'intérêt de la Communauté germanophone concerné informe le médiateur de la suite donnée à sa recommandation.
Si l'autorité administrative concernée, l'autorité administrative locale concernée ou l'organisme chargé d'une mission dans l'intérêt de la Communauté germanophone concerné ne tient pas compte de la recommandation du médiateur, elle l'en informe par écrit et de façon motivée.
Article 22 - Gratuité
Le médiateur fournit ses prestations gratuitement pour le réclamant.
CHAPITRE V. - RAPPORT AU PARLEMENT
Article 23 - Rapport
Pour le 31 mars de chaque année au plus tard, le médiateur adresse au Parlement un rapport d'activités écrit portant sur l'année précédente. Avec l'accord du Bureau, ce rapport peut être établi tous les deux ans. Il peut, en outre, soumettre au Parlement des rapports intermédiaires s'il l'estime utile.
Les rapports contiennent les recommandations formulées par le médiateur et exposent les éventuelles difficultés qu'il a rencontrées dans l'exercice de ses fonctions.
L'identité des réclamants et des membres du personnel des autorités administratives concernées, des autorités administratives locales concernées ou d'un organisme chargé d'une mission d'intérêt public par la Communauté germanophone concerné ne peut être mentionnée dans ces rapports.
Les rapports sont rendus publics par le Parlement.
Le médiateur peut à tout moment être entendu par le Parlement, à sa demande ou à la demande du Parlement.
CHAPITRE VI. - FINANCEMENT
Article 24 - Rémunération du médiateur
Le Bureau détermine le type et le montant de l'indemnisation du médiateur ainsi que les modalités de liquidation y afférentes.
Le médiateur peut renoncer à l'indemnisation prévue à l'alinéa premier durant la période pour laquelle il a remis une déclaration de renonciation au greffier du Parlement.
Article 25 - Moyens financiers mis à disposition
Le budget et la reddition des comptes du service du médiateur sont adoptés chaque année par le Conseil sur proposition du médiateur. Les moyens correspondants sont inscrits au budget du Parlement.
Le médiateur soumet ses comptes à la Cour des comptes.
CHAPITRE VII. - DISPOSITIONS FINALES
Article 26 - Entrée en vigueur
Le présent décret entre en vigueur le jour de son adoption.